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Historique

La tante Lecadre : un soutien décisif pour Claude Monet

Demi-soeur du père de Claude Monet, Marie Jeanne Lecadre née Gaillard, dite Tante Lecadre, joua un rôle essentiel dans la destinée de Claude Monet…


1845. Marie Jeanne Lecadre propose à Adolphe Monet, père de Claude Monet, d’occuper une fonction dans l’entreprise de son mari, Jacques Lecadre, grossiste havrais en épicerie. L’intéressé, dont les affaires parisiennes se révèlent peu fructueuses,  accepte. Toute la famille, dont le jeune Claude âgé de cinq ans, pose bagages dans le quartier d’Ingouville, au nord du Havre. De part leur parenté avec les Lecadre, les Monet se retrouvent liés à une grande famille de négociants. Marie Jeanne et Jacques Lecadre font, en effet, partie de ces bourgeois havrais qui possèdent une résidence à Sainte Adresse, lieu de villégiature convoité par l’intelligentsia de l’époque.

28 janvier 1857. Louise Justine Aubrée, la mère de Claude Monet, meurt prématurément. De son côté, Marie Jeanne Lecadre perd son époux le 30 septembre 1858. Sans enfants, elle choisit donc de s’occuper activement de son neveu.

Amoureuse des arts et liée à des peintres locaux dont Amand Gautier, la Tante Lecadre « fait de la peinture comme en font les demoiselles » ( Monet ou le triomphe de l’impressionnisme, Daniel Wildenstein). En plus de lui offrir des cours particuliers avec des artistes havrais, elle encourage Claude Monet à travailler le dessin avec Jacques-François Ochard, professeur émérite au collège du Havre. Marie Jeanne Lecadre possède même un atelier dans lequel elle accueille le futur prodige. A côté d’un Adolphe Monet peu enclin à encourager la carrière artistique de son fils, Marie Jeanne Lecadre se révèle une alliée de poids.

Soutenu par sa tante, Claude Monet s’installe à Paris en 1859. Il s’applique à s’y tisser un réseau en usant de lettres de recommandation. Reste qu’en dépit des subsides familiales, le peintre frise l’impasse matérielle. Les siens songent à le rappeler aux affaires.

29 avril 1861. Claude Monet intègre le 1er régiment de chasseurs d’Afrique et stationne à Mustapha en Algérie. Début 1862, il contracte la fièvre typhoïde et est autorisé à rentrer au Havre durant l’été. Afin de lui épargner de longs mois sous les drapeaux,  Marie Jeanne Lecadre accepte de payer les quelques 3 000 francs que coûte l’exonération. Elle expliquera plus tard ne pas avoir voulu « se reprocher d’avoir entravé sa carrière artistique et le laisser trop longtemps à une mauvaise école ». Néanmoins perplexe, la tante Lecadre « tremble de le rendre à sa liberté ». Aussi s’applique-t-elle à encadrer Claude Monet en posant ses conditions : « Il est bien entendu que tu vas travailler, cette fois sérieusement. Je te veux voir dans un atelier sous la discipline d’un maître connu. Si tu reprends ton indépendance, je te coupe sans barguigner ta pension. Est ce dit ? » Et c’est ainsi que la Tante Lecadre lui choisit comme tuteur artistique le peintre Auguste Toulmouche. S’il joue le jeu, Claude Monet subit les remontrances de sa tante lorsque celle-ci découvre qu’il déserte l’atelier pour des campagnes en plein air avec ses comparses Bazille, Renoir ou Sisley.

Marie Jeanne Lecadre, qui suit de près le parcours de son neveu, se déclarera enchantée par son succès au Salon en 1866 avec « Camille ou la femme à la robe verte ». L’été suivant, Claude Monet peint, depuis une fenêtre de la villa de sa tante, « Terrasse à Sainte Adresse ». Une toile prélude à l’impressionnisme et sur laquelle figure, au centre du premier plan, la tante Lecadre, abritée par une ombrelle et assise sur une chaise en bois courbé.

Très souffrante, la tante Lecadre n’assistera pas, le 28 juin 1870, au mariage de Claude Monet et Camille Doncieux, dont elle désapprouve  l’union. Elle s’éteindra le 7 juillet suivant. On ignore quelle opinion elle emporta de son neveu qui, entre 1868 et 1870, essuya de nombreux échecs. L’aura-t-il déçue ? Une chose est sûre : elle avait pressenti son génie…