Sur les pas de Claude Monet à Belle-Ile…

Belle Ile, effet de pluie, 1886. Copyright : Artizon museum, Tokyo

Tenté, peut-être, par l’expérience de Renoir qui séjourne à Dinard, Claude Monet découvre, en ce mois de septembre 1886, les «admirables choses» de la côte sauvage. L’artiste loge à l’auberge Marec, à Kervilahouen, une maison paysanne où il confesse avoir «un mal du diable à dormir, à cause des rats au-dessus de mon lit et d’un cochon qui est au-dessous de ma chambre !» 

Inspiré par une «mer inouïe de ton», le peintre impressionniste a déjà démarré quatre toiles six jours après son arrivée. Par l’entremise du peintre américain John Peter Russell, rencontré dans un hameau voisin, il se procure un porteur qui l’aide à transporter son matériel par les sentiers les plus escarpés. Loup de mer, Hippolyte Guillaume n’est autre que le fameux Poly que Claude Monet immortalisera quelques semaines plus tard, le 17 novembre (Portrait de Poly, 1886) ! Encapuchonné d’un ciré goudronné, ce «vieux matelot» lui fraie la voie parmi les rocs et les broussailles. Une complicité silencieuse se noue entre les deux hommes. «Mon vieux porteur est un excellent type et bien obligeant (…). Enfin un brave homme». Affrontant le vent et les fortes marées d’équinoxe, Claude Monet finit par travailler «aux mêmes places par tous les temps». Pose-t-il là un jalon de plus sur la voie des séries ? C’est d’ailleurs, pour la petite histoire, à cet endroit précis qu’il rencontrera Gustave Geffroy, critique d’art de La justice et qui deviendra l’un de ses plus fidèles amis…

A l’approche de la mi-octobre, le mauvais temps semble s’enraciner. C’est, parfois, depuis sa fenêtre que Claude Monet travaille lorsque les éléments sont démesurément déchaînés. Alors que les rafales scandent son périple, il réussit à atteindre la Plage des curés, un lieu abrité d’où il est possible de peindre par gros temps. Inquiet, son marchand d’art Paul Durand-Ruel lui conseille de «revenir et d’aller passer l’hiver dans le Midi». Mais Claude Monet, qui se découvre passionné par cette mer démontée et cette brume épaisse, persiste et signe. «En somme, je suis aussi l’homme du brouillard», écrira-t-il…

Après avoir profité, quelques jours, de la visite d’Octave Mirbeau à Belle-Ile, Claude Monet se résoudra à quitter Kervilahouen. Ce même Octave Mirbeau écrira plus tard à Rodin : « Je suis allé passer huit jours avec Monet à Belle-île… Il a fait de très grandes choses : ce sera une force nouvelle de son talent. Un Monet terrible, formidable…».